Pratique politique
La pratique politique de Georges Frêche s'appuyait sur deux certitudes qu'il voulait équilibrer :
D'abord, un sens démocratique indéniable : le rappel du pouvoir du peuple n'était pas une phrase anodine.
Il se souvenait que dans les conflits qu'il avait eus avec la direction du Parti ou avec ses adversaires, c'était en définitive "le peuple" qui avait tranché. Sur plus de trente années de vie politique, sa grande force avait été de surmonter toutes les difficultés par l'expérience du vote. Ce peuple n'était pas d'ailleurs une entité abstraite : non seulement il aimait et favorisait un contact régulier, mais il savait que ce peuple était multiple et complexe. Le soin avec lequel il traitait les "communautés" n'était pas un effet de politique électoraliste. C'était la conviction qu'il fallait respecter et sauvegarder des qualités nées de l'histoire. A preuve, la sollicitude dont il entourait les "minorités" notamment confessionnelles, mais aussi nées des conflits comme les harkis. Il parlait avec délectation des juifs ou des protestants, savait reconnaître les "pieds-noirs" comme le « peuple gitan », s'intéressait aux maghrébins et à l'Islam, dans des discours où sa culture faisait merveille mais qui justifiaient des aides et des projets menés au nom du principe d'égalité et de laïcité de la République.
Le deuxième pilier de sa pratique était constitué par le fait qu'un leader démocratique doit ne pas refuser d'être "chef", s'il a la conviction du bien fondé de ses projets.
Cet aspect volontairement directif se nourrissait de toutes les réussites engrangées contre ses détracteurs qui étaient souvent, d'abord, ses amis politiques. Il avait l'intuition des "coups" qu'il fallait tenter : en urbanisme, en culture, en aménagements, en développement, en relations internationales notamment. Il savait consulter et avait surtout la qualité de faire confiance sans esprit partisan. Une fois la décision prise, l'opérateur savait que les moyens ne manqueraient pas et que l'on pouvait compter sur un appui sans faille. C'est ensuite avec la réussite de l'opération que le vote populaire donnait la validation de toute l'opération.
Cette pratique, à la fois très construite (technocratique pourrait-on dire) et très soumise à une écoute populaire faisait certainement de Georges Frêche un homme un peu inclassable : s'adaptant sans cesse à un monde en pleine évolution au tournant des années 70, puis plus encore avec le nouveau siècle, il était pourtant toujours à contre-courant, manifestant ainsi une caractéristique forte de sa personnalité : un goût passionné pour l'indépendance de pensée et d'action, une dimension profondément individualiste dans un courant politique marqué par la dimension collective des problèmes, un attachement réel à une culture érudite (qui aurait pu l'isoler) et classique (qui détonait avec le goût de l'actualité) au moment où il s'attachait à mettre en œuvre des projets d'un avenir radicalement nouveau.
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